Ça va l’chalet?
Chez Xavier Delerue, à Verbier

par Dominique Daher
Publié pour la première fois dans Backcountry Magazine (France) #002 (daté novembre-décembre 2022)

On est allés voir Xavier chez lui à Verbier pour raconter le rider à travers son intérieur, ou en tout cas une partie de son habitation. Garages à skis, vans mobiles, petites masures perdues, ou appartements reconvertis, le « chalet » moderne prend bien des formes, mais révèle toujours celui qui l’occupe.

Dom Daher :
Tu vis à Verbier, c’est un peu loin des Pyrénées non? Pourquoi ici et pas Chamonix?

Xavier Delerue : 

Effectivement Verbier est bien loin des Pyrenees. Parfois les montagnes de mon enfance me manquent mais je prends toujours beaucoup de plaisir à y retourner et retrouver mes racines. Malheureusement être snowboarder pro dans les Pyrénées c’est beaucoup plus compliqué, et au fil du temps la vie m’a attiré vers le Valais, et Verbier plus précisément. J’ai shooté pendant des années avec Tero Repo et Guido Perrini qui étaient basés en Suisse et naturellement me suis installé ici. Je me sens vraiment bien à Verbier, autant au niveau du terrain de jeu que de la qualité de vie et des valeurs. Ça m’a pris du temps pour m’y adapter mais ça fait 15 ans que je suis là et je m’y sens plus que bien. Chamonix aurait pu être un choix aussi, j’y ai d’ailleurs vécu 5 ans, mais là-bas tout est super hardcore, tout le monde pousse le bouchon constamment, en montagne et dans la vie en générale, et au bout d’un moment j’ai trouvé cela pesant et quand même dangereux. Et puis pour élever ma famille, je me suis senti beaucoup plus a l’aise à Verbier, sachant que Chamonix n’est qu’à une heure de route.

Dom Daher :
Tu passes beaucoup de temps dehors, mais est ce que l’intérieur dans lequel tu vis est important pour toi? Ou ça représente quoi, juste un sas pour changer d’équipement?

Xavier Delerue :
Non je voyage beaucoup du coup mon chez moi est mega important. J’adore entre deux voyages pouvoir me sentir bien et retrouver une routine. Je pense que c’est des trucs les plus durs de ma carrière de constamment casser cette routine.

Dom Daher :
Pour en venir à ton « mazot à matos », d’où vient-il? Il date de quand?

Xavier Delerue : 
Il doit avoir une centaine d’année… Je l’ai acheté tout démonté sur Anibis, un site de vente d’occasion. Je suis allé le chercher et l’ai remonté de toutes pieces ici, et j’ai bien kiffé!

À l’intérieur je range tout mon matos, mes outils pour aller rêver et passer du temps dans la montagne.


Dom Daher :
Dans ce mazot, c’est un bordel organisé, c’est un peu le reflet de cette ambivalence entre le snowboard, un sport bordélique et cool, et la montagne où il faut être méticuleux?

Xavier Delerue :
C’est un bon point, mais je pense effectivement que l’alpiniste va être méticuleux, vachement dans l’analyse, alors que le freerider beaucoup plus dans le lâcher-prise. C’est dû à la pratique, et bien sûr une généralité mais ca m’a toujours frappé de voir les differences de personnalité qu’il pouvait y avoir entre ces deux pratiques qui au final évoluent sur le même terrain. Après les chose ont beaucoup évolué ces 10 dernières années et de plus en plus avec les crossover de pratiques, les styles et philosophies se mélangent et ca ramène tellement de choses positives…

Dom Daher :
En ce moment tout le monde se met au parapente, version light et vol de montagne, c’est pas un peu con de monter à pieds pour redescendre en volant au lieu de rider?

Xavier Delerue :
Il faut voir plus loin que ca, et penser au run derriere ta station qui finit en fond de vallée avec 3 heures de marches dans l’herbe, ou ce run que tu rêves de faire mais qui est inaccessible sauf avec l’aide d’un petit parapente qui va te faire passer cette arête qui bloque le passage. Ou encore ce run qui est tellement beau mais termine sur une glacier tellement démonté quel n’est pas ridable. Bref, le crossover du parapente avec la ride offre un agrandissement du terrain de jeu au dela du fait qu’il ouvre aussi les perspectives et la comprehension du milieu.

Dom Daher :
Tu fais du splitboard pour de bon ou c’est juste pour instagram? Ce serait quand même plus simple de monter en ski de rando non?

Xavier Delerue :
Haha… pitié! C’est vrai que le ski de randonnée marche mieux que le split de manière générale mais ca ne me dérange pas de faire un tout petit plus d’efforts et de rester en snowboard avec tout le plaisir qui va avec à la descente. Je ne fais pas des chronos quand je monte et le but est d’accèder a de bons runs, du coup aucun intérêt de passer en ski de rando. Je sais skier mais je n’aime pas du tout la rigidité du matos en ski.

Dom Daher :
Tu fais aussi beaucoup de surf, si tout pourrait faire croire que c’est très proche, c’est pourtant complètement opposé : tu montes au peak avec les bras, et ensuite tu descends en appuyant sur le pied arrière et dirigeant avec le pieds avant, alors qu’en snowboard c’est l’inverse, c’est de la schizophrénie ou juste pour se faire chier?

Xavier Delerue :
Tu as bien raison et quand tu vois un snowboarder pro qui surfe, à part quelques rares exceptions, tu le repères direct parce qu’il va avoir un style super rigide, les genoux écartés, le cul en arrière… Bref plus t’as des automatismes en snowboard et plus ca va être dur en surf… Crois en ma frustration après 20 ans de surf.

Dom Daher :
Tu crois vraiment que ça sert à quelques chose de mettre un casque?

Xavier Delerue :
C’est juste pour faire joli! Non sérieusement, je pensais ca avant et dans le snow j’ai grandi avec la culture du casque = pas cool, mais après avoir vu plusieurs amis qui sont décédés parce qu’ils n’avaient pas de casque (Tristan Picot, Gilles Voirol, etc.) et après avoir tapé la tête sur des cailloux une fois sur un run tout pas tout gentil en station, je peux te dire que je ne ride plus de pow sans casque. Heureusement les mentalités ont changé par rapport au port du casque et c’est une bonne chose.

Dom Daher :
C’est quoi ton prochain projet/trip ?

Xavier Delerue :
Je vais explorer les possibilités qu’offre le parapente pour justement agrandir les perspectives du freeride. C’est une bonne excuse pour rester local entre Verbier, Zermatt et Chamonix. À suivre!

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